CYPRIEN DE CARTHAGE
- refaelbastard
- 1 nov.
- 11 min de lecture

Saint Cyprien de Carthage : Doctrine de l'Église et des sacrements
Saint Cyprien de Carthage, évêque et martyr du IIIe siècle, a légué à l'Église une œuvre théologique majeure centrée sur l'unité ecclésiale et la discipline sacramentelle. Ses écrits, marqués par les épreuves des persécutions et des controverses sur le baptême des hérétiques, demeurent des témoignages essentiels de la foi et de l'organisation de l'Église primitive.
L'unité de l'Église
Le fondement de l'unité : Pierre et la chaire épiscopale
L'unité de l'Église, 3 - Dieu parle à Pierre : Je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les puissances des enfers n'en triompheront jamais. Je te donnerai les clefs du royaume du Ciel, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le Ciel et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le Ciel. Après sa résurrection, il dit au même apôtre : Pais mes brebis. Sur lui seul il bâtit son Église, à lui seul il confie la conduite de ses brebis. Quoique, après sa résurrection, il donne à tous ses apôtres un pouvoir égal, en leur disant : Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie; recevez le Saint-Esprit les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez, cependant, afin de rendre l'unité évidente, il a établi une seule chaire et, de sa propre autorité, il a placé dans un seul homme le principe de cette même unité.
Sans doute les autres apôtres étaient ce que fut Pierre; ils partageaient le même honneur, la même puissance, mais tout se réduit à l'unité. La primauté est donnée à Pierre, afin qu'il n'y ait qu'une seule Église du Christ et une seule chaire. Tous sont pasteurs; mais on ne voit qu'un troupeau dirigé par les apôtres avec un accord unanime.
L'épiscopat, un et indivisible
Nous devons tenir fortement à cette unité, nous devons la défendre, nous surtout évêques, qui occupons la première place dans l'Église, afin que le corps épiscopal soit un et indivisible. Que personne n'altère, par le mensonge, la fraternité qui nous unit; que personne, par des enseignements perfides, ne nuise à la sincérité de notre foi. L'épiscopat est un, chacun de nous possède cette dignité solidairement avec ses frères. L'Église aussi est une, quoique, par l'effet de sa fécondité, elle s'étende sur une immense superficie.
Hors de l'Église, point de salut
Quiconque se sépare de l'Église véritable, pour se joindre à une secte adultère, renonce aux promesses de l'Église. Les promesses du Christ ne sont pas pour celui qui abandonne son Église. Cet homme est un étranger, un profane, un ennemi. Non, on ne peut avoir Dieu pour père si on n'a pas l'Église pour mère. Au temps du déluge, pouvait-on se sauver hors de l'arche de Noé? De même aujourd'hui, hors de l'Église, le naufrage est certain.
Le Seigneur a dit encore : Moi et mon Père ne sommes qu'un. Et Jean, en parlant du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ajoute, et ces trois ne sont qu'un. Qui donc pourrait croire que cette unité, née de l'unité divine, cimentée par les sacrements célestes, peut être scindée selon le caprice des volontés rivales ? Perdre cette unité, c'est perdre la loi divine, la foi dans le Père et le Fils, la vie, le salut.
Lettre 73 - C'est à Pierre d'abord, sur qui il a bâti son Église et en qui il a établi et montré l'origine de l'unité, que le Seigneur a conféré le privilège de voir délier ce qu'il aurait délié sur la terre. Après sa Résurrection aussi, c'est aux apôtres qu'Il s'adresse : "Recevez le saint Esprit. Si vous remettez les péchés à quelqu'un, ils lui seront remis; et, si vous les retenez, ils seront retenus". Par là nous comprenons que c'est seulement à ceux qui sont les chefs dans l'Église, et dont l'autorité repose sur la loi évangélique et l'institution du Seigneur, qu'il est permis de baptiser et de donner la rémission des péchés, tandis qu'au dehors rien ne peut être ni lié ni délié, puisqu'il n'y a personne qui ait le pouvoir de lier ou de délier.
La tunique sans couture
L'unité de l'Église, 5 - Ce dogme de l'unité est figuré dans l'Évangile par la tunique du Christ : les soldats ne la partagèrent pas; mais ils la tirèrent au sort et ainsi elle resta dans son entier. Elle représentait cette unité qui vient du Ciel, c'est-à-dire de Dieu, qui ne peut être violée par les hommes, mais qui doit subsister en entier et sans la moindre altération. Qui donc pousserait assez loin la scélératesse, la perfidie ou la fureur de la discorde pour croire qu'on peut scinder l'unité divine pour oser déchirer la robe du Seigneur, l'Église du Christ?
Lettre 43 - Il n'y a qu'un Dieu, qu'un Christ, qu'une Église, qu'une chaire que la parole du Seigneur a établie sur Pierre comme fondement. Un autre autel ne peut être érigé, un autre sacerdoce ne peut être institué, en dehors de cet unique autel, de cet unique sacerdoce. Quiconque amasse ailleurs, dissipe.
Le baptême, porte de l'Église
Un seul baptême dans l'Église
Lettre 71 - Ce baptême unique est à coup sûr dans l'Église catholique qui est une, et hors de l'Église il ne peut y avoir de baptême. Il est manifeste que ceux qui ne sont pas dans l'Église du Christ sont au nombre des morts, et qu'on ne peut recevoir la vie de celui qui n'est pas lui-même vivant, attendu qu'il n'y a qu'une Église qui, ayant obtenu la grâce de la vie éternelle, tout ensemble vit éternellement, et vivifie le peuple de Dieu.
Lettre 73 - Le baptême ne peut-il nous être commun avec les hérétiques, avec qui ni Dieu le Père, ni le Christ son Fils, ni le saint Esprit, ni la foi, ni l'Église ne nous sont communs. Et voilà pourquoi il faut baptiser ceux qui viennent de l'hérésie à l'Église, afin qu'étant régénérés divinement et préparés au royaume de Dieu par le vrai, légitime et unique baptême de l'Église, ils reçoivent la vie de l'un et de l'autre sacrement.
L'illumination baptismale
Stromates, livre I, VI - Baptisés, nous recevons la lumière ; éclairés, nous sommes faits enfants de Dieu ; enfants de Dieu, nous devenons parfaits ; parfaits, nous devenons immortels. "Je l'ai dit, vous êtes tous les fils du Très-Haut." On l'appelle Grâce, Illumination, Perfection, Baptême. Baptême, parce qu'elle efface et lave nos péchés ; Grâce, parce qu'elle nous remet les peines que nos péchés méritent ; Illumination, parce qu'elle nous fait voir cette Lumière sainte et salutaire.
De la conduite des vierges, 6 - Tous ceux qui se présentent à la fontaine baptismale y dépouillent le vieil homme par la grâce du bain salutaire. Introduits par l'Esprit-Saint dans une vie nouvelle, ils se purifient, par une seconde naissance, de leurs anciennes souillures.
L'Eucharistie, sacrifice et communion
Le sacrifice eucharistique institué par le Christ
Lettre 63 - Certains, pourtant, soit ignorance, soit simplicité d'âme, n'observent pas dans la consécration du calice du Seigneur ou dans sa distribution au peuple chrétien, ce que Jésus Christ notre Seigneur, et notre Dieu, l'Auteur et le Docteur de ce sacrifice, y a observé et enseigné.
Où nous trouvons que le calice que le Seigneur offrit était mêlé, et que ce qu'il appela sang était du vin. Par là on voit que le Sang du Christ n'est pas offert, si le vin manque dans le calice, et que le sacrifice du Seigneur n'est pas régulièrement célébré si notre oblation et notre sacrifice ne répondent pas à la passion.
Le symbolisme du pain et du vin
Lettre 63 - En effet, quand le Seigneur appelle son Corps le pain fait de la réunion d'un grand nombre de grains, Il marque l'unité de notre peuple, qu'Il figurait. Et quand Il appelle son Sang le vin exprimé d'un grand nombre de grappes et de grains, et formant une liqueur unique, Il marque que notre troupeau est fait d'une multitude ramenée à l'unité.
Quand donc dans le calice l'eau se mêle au vin, c'est le peuple qui se mêle avec le Christ, et la foule des croyants qui se joint et s'unit à celui en qui elle croit. Ce mélange, cette union du vin et de l'eau dans le calice du Seigneur est indissoluble. De même l'Église, c'est-à-dire le peuple qui est dans l'Église et qui fidèlement, fermement, persévère dans la foi, ne pourra jamais être séparée du Christ, mais Lui restera attachée par un amour qui des deux ne fera plus qu'un.
Le pain quotidien
De l'oraison Domicale, 3 - Le pain de vie c'est le Christ, et ce pain n'est pas à tous, mais à nous, chrétiens. Nous disons Notre Père, parce que Dieu est le père des croyants, de même nous disons notre pain, parce que le Christ est notre nourriture, à nous qui mangeons son corps. Or, nous demandons que ce pain nous soit donné chaque jour ; car notre vie est dans le Christ, et l'Eucharistie est notre nourriture quotidienne.
Si donc, par suite de quelque grave faute, nous étions privés de la participation au pain céleste, nous serions, par cela même, séparés du corps du Christ. D'après cette parole, il est évident que ceux qui mangent le pain eucharistique et reçoivent dans la communion le corps du Sauveur vivent éternellement.
L'indignité sacrilège
Les tombés, 9 - Au retour des autels du démon, ils approchent du saint du Seigneur, les mains encore souillées par les sacrifices des idoles. La bouche infectée par les viandes immolées, ils viennent s'emparer du corps du Sauveur. L'apôtre tient le même langage : Vous ne pouvez, dit-il, boire le calice du Seigneur et celui du démon ; vous ne pouvez participer à la table du Seigneur et à celle du démon. Il emploie la menace contre ceux qui s'obstinent dans leurs téméraires desseins. Quiconque, dit-il, mangera le pain eucharistique ou boira le calice du Seigneur indignement sera coupable d'un crime contre le corps et le sang de Jésus-Christ.
La hiérarchie ecclésiastique
L'évêque, successeur des apôtres
Lettre 33 - Notre Seigneur, dont nous devons révérer et garder les commandements, réglant ce qui concerne les égards dus à l'évêque, et le plan de son Église, parle dans l'évangile et dit à Pierre : "Je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux". De là découle, à travers la série des temps et des successions, l'élection des évêques et l'organisation de l'Église : l'Église repose sur les évêques et toute sa conduite obéit à la direction de ces mêmes chefs.
Lettre 66 - Par là, vous devriez comprendre que l'évêque est dans l'Église et l'Église dans l'évêque, et que si quelqu'un n'est pas avec l'évêque, il n'est pas dans l'Église.
Le respect dû aux prêtres
Lettre à Rogatianus - Notre Seigneur Jésus Christ Lui-même, notre Roi, notre Juge, et notre Dieu, observa jusqu'au jour de sa passion les égards dus aux pontifes et aux prêtres. Les diacres ne doivent pas oublier que le Seigneur Lui-même a choisi les apôtres, c'est-à-dire les évêques et les chefs de l'Église, tandis que les diacres, ce sont les apôtres qui après l'Ascension du Seigneur les ont institués pour être les ministres de leur épiscopat et de l'Église.
L'élection épiscopale
Lettre 67 - Il faut que là où l'on doit ordonner un chef pour le peuple fidèle, les évêques de la province se rassemblent et que l'élection de l'évêque se fasse en présence du peuple, qui connaît la vie et a pu apprécier la conduite de chacun en vivant près de lui.
La divinité du Christ et la Trinité
Le Christ, Dieu incarné
La vanité des idoles, 5 - L'auteur et le dispensateur de cette grâce, le maître de la loi, le Verbe, fils de Dieu est envoyé sur la terre. C'est lui qui éclairait les anciens prophètes et qui devait être le docteur du genre humain. Il est la vertu, la raison, la sagesse, la gloire de Dieu. Il descend dans le sein d'une vierge, il se revêt de notre chair par l'opération du Saint-Esprit. Ainsi la nature divine se trouve unie à la nature humaine. Tel est notre Dieu, tel est le Christ qui, médiateur entre Dieu et l'homme, a revêtu l'homme pour le conduire à son Père.
Lettre 63 - Si le Christ Jésus notre Seigneur et notre Dieu est Lui-même le grand prêtre de son divin Père, et S'est offert lui-même le premier à ce Père en sacrifice, à coup sûr, le prêtre remplit le rôle du Christ qui fait ce que le Christ a fait.
La Trinité divine
Lettre 73 - Le Seigneur, après sa Résurrection, envoyant ses disciples, les instruit de la manière dont ils doivent baptiser, et leur dit : "Tout pouvoir M'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit". Il marque la Trinité, au nom de laquelle les nations devaient être baptisées.
Lettre 49 - Nous savons, disaient-ils, que Corneille a été élu évêque de la très sainte Église catholique par Dieu le Tout-Puissant et par le Christ notre Seigneur. Nous n'ignorons pas en effet qu'il n'y a qu'un seul Dieu, et qu'un seul Christ notre Seigneur que nous avons confessé, un seul saint Esprit, et qu'il ne doit y avoir qu'un évêque dans une Église catholique.
La Passion et la Rédemption
Le sacrifice rédempteur
La vanité des idoles, 5 - Les chefs de la nation l'arrêtent et le livrent à Ponce Pilate, qui gouvernait alors la Syrie au nom des Romains. Ils demandent à grands cris qu'il meure sur la croix. Lui-même avait prédit tous ces événements. Les prophètes aussi avaient dit que le Christ devait souffrir, non pour subir la mort mais pour la vaincre. Attaché à la croix, Jésus, sans l'aide du bourreau, expira de lui-même et, le troisième jour, il ressuscita d'entre les morts. Alors, entouré d'une nuée lumineuse, il monta au ciel, afin de présenter à son Père l'homme qu'il avait aimé, qu'il avait arraché à la mort en prenant sa nature.
Le sang précieux du Christ
Lettre à Démétrianus, 4 - Ce signe qui protège et sauve ceux qui en sont marqués n'est autre chose que le sang de Jésus-Christ. L'agneau était la figure du Christ. C'est le Christ qui nous accorde cette grâce : c'est lui, en effet, qui, armé de sa croix, a vaincu la mort ; c'est lui qui a racheté les croyants aux prix de tout son sang ; c'est lui qui a réconcilié l'homme avec Dieu son père.
Des bonnes œuvres et de l'aumône - Pour nous sauver, pour nous rendre, avec notre dignité perdue, la vie spirituelle, le Père a envoyé son Fils. Le Fils a accepté sa mission : il à voulu devenir fils de l'homme, pour nous faire enfants de Dieu. Il s'est humilié, pour nous relever de notre abjection ; il a été blessé, pour guérir nos blessures ; il s'est soumis à l'esclavage, pour briser nos liens et nous rendre la liberté ; il a souffert la mort, pour nous donner l'immortalité.
La patience du Christ
Des avantages de la patience, 2 - Jésus-Christ, mes frères bien-aimés, ne s'est pas contenté de nous prêcher la patience ; il l'a pratiquée toute sa vie. Descendu parmi nous, comme il le dit lui-même, pour faire la volonté de son Père, il a manifesté sa divinité par d'admirables vertus ; mais la patience est celle qui brille du plus vif éclat. Il quitte les splendeurs du Ciel pour habiter la terre, et lui, le fils de Dieu, ne craint pas de revêtir notre humanité. Il est l'innocence même, et il prend sur ses épaules le fardeau de nos iniquités. Lui, l'innocent, le juste, que dis-je, l'innocence et la justice mêmes, est confondu avec les scélérats ; la vérité est étouffée sous des témoignages menteurs ; le juge suprême est traduit en jugement, et le Verbe divin marche au supplice en gardant le silence.
Conclusion
Saint Cyprien de Carthage a laissé à l'Église un héritage théologique majeur centré sur l'unité ecclésiale et la discipline sacramentelle. Sa doctrine de l'épiscopat, fondée sur la primauté pétrine et l'indivisibilité du corps épiscopal, a profondément marqué l'ecclésiologie catholique. Sa défense de l'unicité du baptême et de l'eucharistie dans l'Église, ainsi que son enseignement sur l'impossibilité du salut hors de l'Église, témoignent de sa conviction profonde que l'unité du Christ ne peut souffrir aucune division. Martyr de la foi en 258, Cyprien scella par son sang la vérité qu'il avait si ardemment défendue.





Commentaires