GREGOIRE DE NYSSE
- refaelbastard
- 1 nov.
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Saint Grégoire de Nysse : Théologie trinitaire et mystères du salut
Saint Grégoire de Nysse, Père de l'Église du IVe siècle, a légué une œuvre théologique d'une profondeur remarquable. Frère de saint Basile de Césarée, il a développé une doctrine trinitaire rigoureuse et une théologie sacramentelle qui ont profondément marqué la pensée chrétienne orientale.
L'Église, Corps du Christ
L'unité du Corps mystique
Lettre à Olympios touchant la perfection - Celui qui a appris que le Christ est la Tête de l'église, qu'il porte avant tout son attention sur ce point : tout chef participe du corps qui lui est soumis par une égale communauté d'origine et de substance et le lien originel qui rattache à l'ensemble les membres pris individuellement, constitue une unité en ce qu'il assure la sympathie des parties au tout, par une « conspiration » spécifique. En conséquence, si quelque chose est extérieur au corps, il est de même entièrement étranger au chef.
La divinité du Christ et la Sainte Trinité
Le Christ, Puissance et Sagesse de Dieu
Lettre à Olympios touchant la perfection - Christ, selon Paul, est à la fois Puissance de Dieu et Sagesse de Dieu. Par cette dénomination, ce sont des notions qui conviennent à sa Divinité que nous apprenons en premier lieu, ce qui nous rend ce Nom digne de vénération. Puisque toute la création en effet, tout ce qui en elle est à la portée de nos sens et tout ce qui en dépasse la portée, tient de Lui son origine et ne se maintient dans l'être que par Lui, c'est une nécessité, pour définir ce qu'est le Christ Auteur de l'univers.
Le Rayonnement de la Gloire divine
Lorsqu'on dit ailleurs du Christ qu'Il est le Rayonnement de la Gloire de Dieu et l'Effigie de sa Substance, on nous donne en ces termes les notions concernant sa Majesté adorable. Paul a laissé sans la nommer l'essence transcendante au monde des réalités ; puis comme il s'efforçait d'interpréter l'Unité étroite et indissoluble du Fils avec le Père et son union, dans une contemplation infinie et éternelle, avec le Père infini et éternel, il dit : Rayonnement de sa Gloire et Effigie de sa Substance, voulant formuler par le rayonnement leur Connaturalité et par l'effigie leur Égalité consubstantielle.
On n'imagine pas d'intermédiaire entre le rayon et la source qui l'émet, pas davantage d'infériorité de l'effigie à la substance, l'effigie étant sa représentation ; au contraire, pour qui pense à une source lumineuse, son rayonnement s'imagine parfaitement et simultanément auprès d'elle.
La Forme de Dieu
C'est pourquoi Paul dit encore que le Seigneur est « la Forme de Dieu », sans rabaisser pour autant le Seigneur par cette notion de forme ; il met, au contraire, en pleine évidence la Grandeur de Dieu, par l'intermédiaire de la Forme qui offre à notre contemplation la Majesté du Père : celle-ci ne dépasse d'aucune manière les limites de la forme qui est la sienne, et on ne la trouve pas en dehors de l'Effigie qui la circonscrit. Il n'existe rien, en effet, chez le Père qui soit contraire à sa Forme et à sa Beauté, rien que la Beauté du Fils unique ne glorifie.
Aussi bien le Seigneur déclare-t-Il : « Celui qui M'a vu a vu le Père », indiquant de la sorte qu'il n'existe aucune dissemblance, ni par insuffisance, ni par exagération.
Le Verbe soutient l'univers
Lorsque Paul exprime ailleurs que « le Christ soutient l'univers par sa parole puissante », la parole puissante du Verbe soutient l'univers et du néant l'appelle à l'existence. Oui, tous les êtres, qu'ils appartiennent au monde des matières ou qu'ils aient reçu la nature immatérielle, possèdent comme principe unique de leur substance la parole de la Puissance ineffable.
Or la leçon à tirer pour nous de ces propos, c'est d'avoir nos regards tournés vers Celui à qui l'univers doit son origine. Si c'est en effet par Lui que nous avons été amenés à l'existence et que c'est en Lui que nous nous y maintenons, cet acte de foi s'impose absolument : rien n'échappe à la Connaissance de Celui en qui nous sommes, par qui nous avons accédé à l'être et vers qui nous retournons.
Le grand Dieu et Sauveur
Paul, en appelant Image du Dieu invisible le Christ, le Dieu souverain de l'univers et le grand Dieu (il proclame encore la Grandeur de notre Maître véritable par ces mots : « notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ » ; et ailleurs : « desquels est issu le Christ selon la chair, Lui qui est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement »).
Ce Christ, donc, qui est au-delà de toute connaissance et de toute compréhension, qui est l'Ineffable, l'Inexprimable et l'Inexplicable, voulant te rendre à nouveau image de Dieu, S'est fait Lui-même par son Amour de l'homme Image du Dieu invisible ; prenant une forme humaine individuelle, Il S'est modelé à ton être, en sorte que, pour ta part, grâce à Lui, tu recouvres la conformité et l'empreinte de la beauté exemplaire et originelle, afin que tu deviennes cet être précis que tu étais à l'origine.
La Trinité divine
Catéchèse, I - La doctrine de notre religion sait discerner une différence de personnes dans l'unité de nature. L'Évangile nous fait connaître les trois personnes et les trois noms par lesquels s'opère la naissance chez les croyants : celui qui est engendré dans la Trinité est également engendré par le Père, par le Fils et par le saint Esprit, car l'Évangile dit de l'Esprit : «Ce qui est né de l'Esprit est Esprit» et Paul engendre dans le Christ et «le Père est père de tous».
Le baptême, illumination et régénération
Le mystère de l'eau baptismale
Catéchèse, VI - Les dispositions divines concernant la purification par l'eau font partie, elles aussi, des enseignements révélés, – qu'on veuille les nommer baptême, illumination ou régénération, nous ne nous disputerons pas sur l'appellation.
L'entrée de l'homme dans l'eau et sa triple immersion renferment un autre mystère. Le procédé employé pour notre salut doit son efficacité moins à la simple doctrine qu'aux actes eux-mêmes de celui qui a accepté de partager la condition de l'homme. En quoi consiste donc cette imitation ? À faire disparaître le vice mélangé à notre nature, dans l'ensevelissement symbolique dans l'eau ; il ne s'agit pas tant d'une disparition totale, que d'une rupture avec le mal.
L'imitation de la mort du Christ
Deux causes contribuent à la destruction du vice : le repentir du pécheur et l'imitation de la mort ; c'est par elles que l'homme est d'une certaine manière délivré de son union avec le mal ; le repentir l'amène à haïr et à écarter le vice, et la mort opère la destruction du mal.
En versant sur nous l'eau à trois reprises et en nous élevant hors de l'eau, nous symbolisons l'ensevelissement qui nous a sauvés et la résurrection opérée en trois jours : si l'eau est à notre disposition, si nous sommes libres de nous y plonger et d'en ressortir, le souverain de l'univers avait le pouvoir, après s'être plongé dans la mort comme nous dans l'eau, de revenir à la félicité qui est sienne.
Donc, si l'on est attentif au symbolisme, si l'on tient compte de part et d'autre du degré de puissance disponible, on n'y trouvera aucune différence : le Sauveur et l'homme exécutent chacun de leur côté ce qui est en leur pouvoir, suivant la mesure de leur condition.
Prélude à la résurrection
Pour cette raison l'eau prélude à la grâce de la résurrection : elle nous apprend qu'il nous est également facile d'être baptisés dans l'eau et d'émerger de la mort.
L'Eucharistie, Corps et Sang du Christ
Le Verbe, nourriture spirituelle
Lettre à Olympios touchant la perfection - Ce qui vient d'être dit donne à entendre quelle puissance a le Verbe : Il assure sa nourriture à l'âme qui, proportionnellement à ses besoins, reçoit de Lui la grâce, selon le langage figuré du prophète qui, sous le signe du « pré d'herbe fraîche » et « des eaux délassantes », exprime la consolation venant du Verbe aux âmes fatiguées.
Mais à supposer qu'on vienne à dire aussi, en considération du mystère, que c'est au sens littéral que le Seigneur est nommé « Aliment et Boisson spirituels », cet aspect même n'est pas exclu de la signification propre à ces mots : « son Corps en effet est vraiment une nourriture et son Sang vraiment un breuvage ».
La communion indigne
En revanche, pour ce qui est du second sens, ce n'est plus sans examen ni sans discernement que l'on communie à une telle nourriture et à un tel breuvage, car l'Apôtre nous spécifie, en ces termes : « Que chacun s'éprouve soi-même et qu'ayant ainsi fait, mange de ce pain et boive de cette coupe. Pour qui en revanche mange et boit indignement, c'est sa propre condamnation qu'il mange et qu'il boit ».
Partant, l'avertissement de l'Apôtre autant que la remarque de l'évangéliste nous font une loi de recevoir le Corps sacré dans une conscience pure ; et s'il s'y trouvait quelque souillure du fait d'un péché, il faudrait s'en être purifié au préalable par l'eau des larmes.
La transformation eucharistique
Catéchèse - Il convient donc d'examiner comment ce seul corps eucharistique, tout en ne cessant pas de se partager sur toute la surface de la terre entre tant de milliers de fidèles, a pu se donner tout entier à chacun dans la parcelle reçue tout en demeurant lui-même tout entier.
Mais ce corps, par l'inhabitation du Verbe de Dieu, participa à la dignité divine. Nous avons donc maintenant raison de croire que le pain sanctifié par le Verbe de Dieu se transforme pour devenir le corps de Dieu le Verbe.
La Passion et la Rédemption
Le Christ, notre paix et notre rédemption
Lettre à Olympios touchant la perfection - Nous qui pensons aussi que le Christ est la paix, prouverons de la sorte l'authenticité du qualificatif de chrétien sur nous-mêmes, dans la mesure où notre vie, à travers la paix que nous portons, rayonnera du Christ. « Il a tué la haine » selon le mot de l'Apôtre ; de notre côté, évitons par conséquent de la raviver autour de nous, montrons en revanche dans nos vies qu'elle a cessé de vivre. La Générosité de Dieu l'a fait mourir pour notre salut.
En apprenant aussi que le Christ est notre Rédemption : Il S'est offert Lui-même en rachat pour nous, nous retirons de ce propos cette instruction : en nous offrant l'immortalité comme une sorte de prix d'achat pour chacune de nos âmes, Il s'est acquis en bien propre ceux qu'Il a rachetés Lui-même de la mort par la vertu de sa Vie. Si donc nous sommes passés au service de notre Rédempteur, tournons-nous entièrement vers notre Maître, ne recherchons plus notre intérêt personnel, mais vivons au service de Celui qui nous a obtenus en échange de sa Vie.
Le Christ, Pâque et Grand-prêtre
Une même pensée va nous apparenter au Christ, lorsque nous entendons Paul nous dire « qu'Il est notre Pâque et qu'Il est notre Grand-prêtre : « Oui, vraiment, notre Pâque a été immolée pour nous, Christ ». Mais le Prêtre qui a offert à Dieu la victime, n'est autre que le Christ en personne : Il S'est offert pour nous en sacrifice.
L'humilité et la longanimité du Christ
Maintenant si, dans mon exposé, il faut encore énumérer en les distinguant, les couleurs selon lesquelles s'opère l'imitation de l'Image, la première entre elles est l'humilité : « Apprenez de Moi – nous dit le Christ – que Je suis doux et humble de cœur ».
En seconde nuance, la longanimité, qui s'est manifestée avec quelque vigueur en l'Image du Dieu invisible. Épée, bâton, liens et fouet, joues qu'on meurtrit, visage que l'on conspue, dos qu'on livre à la flagellation, jugement impie, sentence cruelle, joie de la soldatesque à cette sombre sentence, parmi les railleries et les sarcasmes, les outrages et les coups reçus du roseau, les clous, le fiel et le vinaigre et tout ce qu'il y a de plus horrible, dirigé contre Lui sans raison, ou mieux, accordé en échange de ses multiples Bienfaits.
Quelle est donc sa défense contre les auteurs de ces crimes ? « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font ».
N'était-il pas capable, demandera-t-on, de déchirer les cieux et d'en descendre les châtier, ou d'anéantir ces brutes en les engloutissant au sein de la terre ? Eh bien ! tout cela, Il l'a supporté avec douceur et longanimité, Lui qui donne à ta propre vie, à travers sa Personne, l'obligation d'être longanime.
Conclusion
Saint Grégoire de Nysse a développé une théologie d'une profondeur exceptionnelle qui unit rigueur doctrinale et mysticisme spirituel. Sa christologie affirme sans ambiguïté la divinité du Christ, véritable Dieu et véritable homme, Rayonnement de la Gloire du Père et Image du Dieu invisible. Sa doctrine trinitaire, qui distingue les personnes dans l'unité de nature, a contribué à préciser la foi de Nicée. Sa théologie sacramentelle, notamment sa doctrine eucharistique affirmant la transformation du pain en Corps du Christ, demeure un pilier de la tradition orientale. Enfin, sa méditation sur la Passion du Christ comme acte rédempteur et modèle d'humilité pour les chrétiens témoigne de la profondeur de sa spiritualité.





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