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Le "problème Rebiba"

  • refaelbastard
  • 29 oct.
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 5 jours


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La Question de la Succession Apostolique de Scipione Rebiba :


Analyse Critique


Introduction


La figure du Cardinal Scipione Rebiba occupe une place singulière dans l'histoire de la succession apostolique catholique. Plus de 95% des quelque 5 600 évêques vivants aujourd'hui remontent leur lignée épiscopale à ce prélat du XVIe siècle.


Pourtant, un mystère documentaire entoure sa propre ordination épiscopale, donnant naissance à ce que l'on appelle communément le "problème Rebiba" ou la "lacune Rebiba". Cet exposé examine cette question sous l'angle historique, canonique et théologique.


I. Qui était Scipione Rebiba ?


Scipione Rebiba est né le 3 février 1504 en Sicile et fut consacré évêque le 14 mai 1541. Sa carrière ecclésiastique fut remarquable : il devint évêque auxiliaire de Chieti, puis occupa successivement plusieurs sièges épiscopaux importants avant d'être élevé au cardinalat. Sa longévité et son influence expliquent en partie pourquoi sa lignée d'ordination est devenue si prédominante dans l'Église catholique.


II. Le Mystère Documentaire


A. L'absence de preuves directes


Il n'existe aucune preuve documentaire formelle concernant l'identité de celui qui a consacré Rebiba évêque. Cette lacune dans les archives a suscité des interrogations légitimes sur la traçabilité de la succession apostolique pour l'immense majorité des évêques contemporains.


B. L'hypothèse Carafa


La tradition et les recherches historiques suggèrent fortement que Rebiba fut consacré par le Cardinal Gian Pietro Carafa, archevêque de Chieti, qui devint plus tard le pape Paul. Cette hypothèse repose sur plusieurs éléments contextuels solides, même si la preuve documentaire directe fait défaut.


C. La destruction des archives


Il a été spéculé que les documents concernant la consécration épiscopale de Rebiba et ceux de ses prédécesseurs immédiats auraient été détruits dans un incendie à Chieti, la ville à l'est de Rome où Rebiba devint d'abord évêque auxiliaire. Cette explication, si elle ne peut être vérifiée avec certitude, s'inscrit dans le contexte des nombreuses pertes d'archives de cette période tumultueuse de l'histoire italienne.


III. La Chaîne de Succession Avant Rebiba


Si l'on accepte l'hypothèse Carafa, la succession apostolique avant Rebiba est bien documentée :


• Gian Pietro Carafa aurait été consacré le 18 septembre 1506, très probablement par son oncle Oliviero Cardinal Carafa, Archevêque émérite de Naples

• Oliviero Carafa, Archevêque de Naples, aurait été consacré le 29 décembre 1458 à Torre del Greco par Leone de Simone, évêque de Nola

• La chaîne se poursuit de manière documentée bien au-delà, remontant à travers les siècles Ainsi, jusqu'à Carafa, nous pouvons prouver par des documents la succession apostolique et papale avec une fiabilité historique satisfaisante.


IV. La Chaîne de Succession Après Rebiba


Après Rebiba, la documentation redevient abondante et précise. Nous pouvons tracer avec certitude les ordinations épiscopales qu'il a lui-même conférées et leur propagation à travers l'Europe catholique. La diffusion de la lignée Rebiba Au début des années 1700, le pape Benoît XIII, descendant direct de la lignée de consécration de Rebiba, a personnellement consacré au moins 139 évêques pour diverses diocèses européens importants. Cette action pontificale explique largement pourquoi cette lignée est devenue si dominante dans l'épiscopat mondial.


V. Le Nœud du Problème : Une Lacune Documentaire, Non Sacramentelle


A. La nature précise de la lacune


Le véritable nœud du problème se situe exclusivement au moment où Rebiba accède à l'épiscopat. Il ne s'agit pas d'une lacune dans la succession elle-même, mais uniquement d'une lacune documentaire concernant l'identité précise de son consécrateur et les circonstances exactes de sa consécration.


B. Ce que nous savons avec certitude


Plusieurs éléments historiques solidement établis permettent de contextualiser cette lacune :


1. La reconnaissance ecclésiastique officielle : Rebiba a exercé ses fonctions épiscopales pendant des décennies sans qu'aucune contestation de la validité de son ordination ne soit jamais soulevée par ses contemporains


2. La nomination cardinalice : Gian Pietro Carafa, devenu le pape Paul IV, a lui-même élevé Rebiba au cardinalat. Cette nomination constitue une reconnaissance pontificale explicite de la validité de son épiscopat, puisqu'un pape ne pourrait canoniquement nommer cardinal quelqu'un dont l'ordination épiscopale serait invalide ou douteuse


3. La sollicitation documentée de sa candidature : Nous possédons des documents attestant que Carafa avait activement soutenu et sollicité la nomination de Rebiba comme évêque. Cette action préalable implique nécessairement que Carafa considérait Rebiba comme un candidat approprié et que son ordination future serait valide


4. L'absence totale de contestation contemporaine : Aucun document de l'époque ne remet en question la validité de l'ordination de Rebiba. Dans le contexte du XVIe siècle, particulièrement après le Concile de Trente (1545-1563) qui renforçait considérablement la rigueur disciplinaire et sacramentelle, une ordination épiscopale invalide dans un diocèse important n'aurait certainement pas échappé à l'attention


VI. Arguments Théologiques et Canoniques pour la Validité


A. Le principe de reconnaissance ecclésiale continue


En droit canonique et en théologie sacramentelle, la reconnaissance officielle et continue par l'Église d'un ministre ordonné constitue une présomption forte de validité. Rebiba a non seulement été reconnu, mais activement promu au plus haut niveau de la hiérarchie ecclésiastique.


B. La charge de la preuve


D'un point de vue juridique et canonique, la charge de la preuve repose sur celui qui conteste la validité d'une ordination, non sur celui qui l'affirme.


En présence de :


• Multiples preuves de reconnaissance ecclésiastique officielle

• Exercice paisible et prolongé des fonctions épiscopales

• Promotion au cardinalat par le pape

• Absence totale de contestation contemporaine


Et en l'absence de :


• Toute preuve d'invalidité

• Toute irrégularité dénoncée à l'époque

• Tout document remettant en question sa consécration


La présomption de validité s'impose avec force.


C. La doctrine de la supplet Ecclesia


La théologie catholique reconnaît le principe selon lequel l'Église supplée ce qui pourrait manquer dans certaines situations douteuses (Ecclesia supplet). Bien que ce principe s'applique traditionnellement aux questions juridictionnelles plutôt que sacramentelles, il reflète une sagesse théologique plus large : l'Église, dans sa sollicitude pastorale, ne laisserait pas des millions de fidèles dans l'incertitude sacramentelle sur une période de plusieurs siècles.


D. Le témoignage de l'histoire


Le fait que l'Église catholique elle-même n'ait jamais remis en question la validité de la lignée Rebiba, malgré une conscience claire de la lacune documentaire, constitue un argument d'autorité significatif. L'Église, gardienne des sacrements, aurait eu le devoir d'agir si elle considérait cette succession comme invalide ou sérieusement douteuse.


VII. Distinction entre Problème Historiographique et Problème Sacramentel


A. La nature du défi historiographique


Le "problème Rebiba" est essentiellement un défi pour les historiens cherchant à établir une chaîne documentaire complète et ininterrompue. C'est une lacune dans nos connaissances historiques, pas nécessairement une lacune dans la réalité sacramentelle.


B. La certitude morale versus la certitude documentaire


En théologie et en droit canonique, la certitude morale (fondée sur un ensemble convergent d'indices et de preuves indirectes) peut être suffisante pour établir la validité d'un sacrement, même en l'absence de certitude documentaire absolue.


Dans le cas de Rebiba, nous avons :


• Une forte probabilité historique (hypothèse Carafa)

• Une reconnaissance officielle pontificale

• Une absence totale de contestation

• Une continuité fonctionnelle ininterrompue


Ces éléments constituent ensemble une certitude morale de validité qui dépasse largement le seuil requis en théologie sacramentelle.


VIII. Le Contexte du Concile de Trente


Il est crucial de replacer la question dans son contexte historique. Le Concile de Trente (1545-1563) a considérablement renforcé la discipline sacramentelle et la rigueur dans la tenue des registres. Rebiba a exercé son épiscopat pendant et après ce concile. Si sa consécration avait été invalide ou même sérieusement douteuse, cela aurait été identifié et corrigé dans le climat de réforme et de rigueur qui caractérisait l'Église post-tridentine.


IX. Implications pour l'Épiscopat Contemporain


A. La question pratique


Si l'on devait considérer la succession de Rebiba comme invalide en raison de la lacune documentaire, cela impliquerait que plus de 95% des évêques catholiques actuels ne seraient pas validement ordonnés. Une telle conclusion serait non seulement théologiquement absurde, mais contredirait la foi de l'Église en la protection divine de son ministère apostolique.


B. La providence divine


D'un point de vue théologique, la foi catholique affirme que le Christ ne permettrait pas que son Église soit privée de la succession apostolique valide pendant des siècles. Cette conviction théologique, combinée aux preuves historiques de reconnaissance ecclésiale, renforce la certitude de la validité de la lignée Rebiba.


X. Conclusion


Le "problème Rebiba" est davantage un problème historiographique qu'un problème de validité sacramentelle. Bien que nous ne possédions pas de documentation directe sur l'identité précise de celui qui a consacré Rebiba évêque, l'ensemble des preuves indirectes converge vers une conclusion claire :


1. Avant Rebiba : La succession apostolique est bien documentée jusqu'à Carafa et au-delà

2. Au moment de Rebiba : Bien que la documentation directe manque, nous avons :


• Une hypothèse historique solide (Carafa)

• Une reconnaissance pontificale explicite (nomination cardinalice)

• Une sollicitation documentée de sa candidature

• Une absence totale de contestation contemporaine

• Un exercice paisible de l'épiscopat pendant des décennies


3. Après Rebiba : La documentation redevient abondante et la lignée se propage largement La reconnaissance continue et officielle par l'Église, culminant avec sa nomination cardinalice par celui-là même qui l'aurait ordonné évêque, constitue une preuve morale de validité bien plus forte que le silence documentaire ne constitue un doute raisonnable.


En définitive, nous pouvons affirmer avec certitude morale et théologique que Scipione Rebiba fut validement ordonné évêque dans la succession apostolique, et que la lignée épiscopale qui descend de lui possède la pleine validité sacramentelle. L'absence de documentation directe ne constitue pas une preuve d'invalidité, et les multiples preuves indirectes de reconnaissance ecclésiale établissent solidement la validité de son ordination. Le véritable enseignement de cette question est peut-être que la succession apostolique ne repose pas uniquement sur la perfection de nos archives historiques, mais sur la fidélité de l'Église à transmettre ce qu'elle a reçu des Apôtres, sous la protection providentielle du Christ qui a promis d'être avec son Église "tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28, 20)

 
 
 

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